Alors que l’entrepreneuriat se développe de plus en plus en France, 104factory a choisi d’accompagner l’émergence de nouvelles industries culturelles et créatives. Efrén Hernandez Martin, chef de programmes 104factory, nous parle de son métier et des activités de l’incubateur.
Comment se passe le programme d’accompagnement 104factory et que propose-t-il aux entreprises ?
104factory est l’incubateur des industries culturelles et créatives du CENTQUATRE-PARIS. Nous proposons un accompagnement personnalisé aux entrepreneur·e·s incubé·e·s en mettant en place des points récurrents avec chaque équipe pour évaluer les besoins et les priorités de tous. Une partie de l’accompagnement se fait en direct par nos équipes puis, pour des besoins plus spécifiques, nous faisons appel à des expert·e·s externes qui animent des ateliers sur des problématiques particulières. Dans ce sens, nous faisons partie du réseau La Boussole des entrepreneurs, association qui regroupe les incubateurs et autres structures de l’écosystème de l’accompagnement pour aider les entrepreneur·e ·s à faire un choix éclairé.
104factory permet également aux entrepreneur·e·s de gagner en visibilité, que ce soit à travers nos réseaux sociaux, notre newsletter ou grâce au rayonnement du CENTQUATRE-PARIS. Lors des commercialisations réalisées par l’établissement afin d’accueillir des événements culturels, nous essayons de donner de la visibilité aux entrepreneur·e·s en leur proposant des espaces dédiés afin de présenter leur activité. Nous leur proposons aussi de participer à des événements hors-les-murs comme le SITEM, Museum Connections, qui leur permettent de rencontrer un nouveau public.
Chaque année, nous organisons un événement phare de l’innovation au CENTQUATRE-PARIS : Open Factory. Cet événement permet pendant un week-end de rencontrer le grand public CENTQUATRE-PARIS mais aussi des professionnel·le·s, autour d’un programme convivial où chaque entreprise peut présenter son projet et expliquer son activité.
Nous organisons aussi des meet-up où nous invitons des entrepreneur·e·s mais aussi des spécialistes externes à discuter d’une thématique, afin de mettre en valeur ce qu’ils proposent, mais aussi de les confronter à d’autres points de vue. La discussion est tournée autour des questions du public et la rencontre est ensuite enregistrée au format podcast.
Une des particularités à 104factory est que la collaboration entre entrepreneur·e·s est vivement encouragée ; elle se fait même assez souvent naturellement. Caractères, une de nos entreprises, a par exemple proposé un artisan d’art pour la fabrication de l’Arbre-Soleil d’Onyo. Nous encourageons également cette collaboration en mettant en place des ateliers de co-développement. Le fait d’être dans un lieu convivial qui propose des événements culturels, un véritable lieu de vie, pousse les entrepreneur·e·s à passer du temps ensemble ce qui favorise la cohésion et les échanges.
Peux-tu nous parler de ton métier ?
L’accompagnateur·rice est là pour guider les entrepreneur·e·s, leur donner des opportunités. Il ne prend pas de décision à leur place : le but est de leur faciliter la tâche et de les aider à développer leur projet plus rapidement. L’accompagnateur·rice oriente les entrepreneur·e·s, leur donne de la visibilité, des contacts, et les épaule sur leurs projets. Il les guide également sur les différentes aides dont ils peuvent bénéficier en décomplexifiant l’ensemble des processus de subventions et de recherches de financement.
Dans le cadre d’un incubateur culturel, l’accompagnateur·rice doit avoir une double casquette : il faut avoir conscience des problématiques liées au lancement d’une startup, mais aussi des enjeux liés à la production d’expériences culturelles. Les entrepreneur·e·s ne suivent pas le modèle d’une startup classique : les équipes ne cherchent pas forcément à avoir une croissance exponentielle. L’objectif pour eux est bien souvent de répondre à un réel besoin, à une problématique large et sociétale, tout en mettant en place un modèle viable économiquement.
Le rapport humain est au cœur de notre métier, car il est très important de se mettre à la place de l’entrepreneur·e pour comprendre son quotidien et savoir comment l’aider. Il faut également réussir à maintenir une certaine distance car nous n’intervenons pas dans le processus décisionnel. On leur apporte un regard externe et on leur permet d’aborder plus largement, et avec un angle différent, leurs problématiques.
« Dans le cadre d’un incubateur culturel, l’accompagnateur·rice doit avoir une double casquette : il faut avoir conscience des problématiques liées au lancement d’une startup, mais aussi des enjeux liés à la production de projets culturels. »
Quels sont les enjeux et les besoins des entreprises culturelles et comment y répondre ?
Le premier besoin, commun à l’ensemble des startups, est le besoin du financement. Pour démarrer une activité économique, il faut pouvoir investir et c’est pour cela qu’on accompagne les entreprises dans l’obtention de subventions. Ce financement initial permet de démarrer l’activité et de produire des prototypes.
Une fois l’activité lancée, le deuxième grand besoin des entreprises – et particulièrement dans le secteur de la culture – est celui de l’expérimentation : les entrepreneur·e·s doivent confronter leur produit à un public, à de potentiels clients ou partenaires. Confronter le produit à un public cible permet de se rendre compte des attentes de celui-ci et de réajuster la proposition.
Comment se met en place cette expérimentation au CENTQUATRE-PARIS et comment les entrepreneur·e·s parviennent-ils à exploiter le potentiel du lieu ?
Les entrepreneur·e·s ont des espaces à disposition qu’ils peuvent investir pour organiser des événements, notamment les C’Le Chantier où un public varié est invité pour tester et donner un feedback aux entrepreneur·e·s sur leur projet. Ils profitent du public du CENTQUATRE-PARIS mais aussi de l’ensemble de l’écosystème : d’autres incubateurs, des partenaires, des délégations internationales, etc. L’ensemble de ces retours leur permet de développer leur projet plus rapidement car ils n’en disposeraient pas dans un lieu qui n’accueille pas de public.
Comment se créent les ponts avec les autres services du CENTQUATRE-PARIS ?
Les entrepreneur·e·s peuvent faire appel à travers l’incubateur à l’expertise des autres directions du lieu. On peut les mettre en relation avec des techniciens, des régisseurs, le service des ressources humaines ou encore la communication. Le CENTQUATRE-PARIS compte une centaine d’employé·e·s donc nous disposons déjà d’une grande expertise en interne.
Ce lien est réciproque : les entreprises proposent également leur expertise dans le cadre d’ateliers et de formations organisés au CENTQUATRE-PARIS. Elles viennent également enrichir les expositions et performances artistiques en proposant des expériences alternatives. The Analog Club vient par exemple de proposer un atelier sur la photographie argentique, Magique est intervenue avec La Maison des Petits sur les visites de l’exposition Circulation(s) en y ajoutant une dimension olfactive, ENTER.black a intégré son Métamorpheur dans la Foire Foraine d’Art Contemporain. Les liens sont donc multiples.
Les liens sont également présents avec l’ingénierie culturelle, avec qui l’innovation peut mener des projets conjoints auxquels les incubé·e·s peuvent être intégré·e·s.
« À terme, je pense que tous les projets que nous accompagnerons seront des projets à impact ; d’une part car il s’agit d’une réelle volonté de notre part, mais d’autre part car il s’agira d’une évidence, d’un réel besoin. »
Comment envisages-tu l’évolution de l’incubateur ?
Depuis deux ans, nous accompagnons de plus en plus de projets à impact écologique et social. Nous nous sommes rendus compte de la non-exemplarité de la culture dans le domaine, avec des bâtiments qui ne sont pas adaptés, des scénographies polluantes etc. Nous avons donc souhaité, en développant Culture Impact, accompagner le secteur culturel dans sa transition écologique. À terme, je pense que tous les projets que nous accompagnerons seront des projets à impact ; d’une part car il s’agit d’une réelle volonté de notre part, mais d’autre part car il s’agira d’une évidence, d’un réel besoin. L’impact d’un projet – culturel ou pas – deviendra une nécessité et s’ancrera de plus en plus dans les mentalités. On le voit aujourd’hui, la moitié des entreprises que nous accompagnons sont des projets à impact. L’avenir ne se situe pas uniquement dans le développement de technologies, mais peut être davantage dans des projets low-tech ou qui ont un sens social et écologique. On va peut-être revenir à des choses plus simples en termes de développement, plus artisanales, mais qui consommeront moins. Ce n’est pas pour autant qu’on va cesser d’accompagner des projets technologiques, mais ceux-ci intégreront nécessairement une dimension écologique ou sociale et devront avoir conscience de leur impact, afin de chercher à le réduire.
Le fait d’héberger une vingtaine d’entreprises par an nous permet de choisir les projets avec soin et de les accompagner au mieux. Sur les prochaines années, nous souhaitons innover dans l’accompagnement, en proposant des formats toujours mieux adaptés aux enjeux des entrepreneur·e·s présent·e·s. Il faut constamment tester de nouvelles choses pour voir ce qui marche ou non, en s’adaptant aux nouvelles entreprises. La remise en question du métier doit être constante.
Afin de développer le secteur de l’entrepreneuriat culturel en France, quels leviers pourraient selon toi être actionnés ?
En France, il existe beaucoup de dispositifs de soutien mais il est très compliqué d’avoir une visibilité sur leur mode de fonctionnement, sur leurs critères et sur leurs échéances. Par rapport à d’autres pays, le secteur culturel est plus soutenu mais il est difficile de comprendre comment marchent l’ensemble de ces subventions. Par ailleurs, il existe beaucoup de dispositifs pour la recherche et le développement, mais peu pour favoriser la diffusion et la mobilité, à la fois en France et à l’international. Dans ce sens, 104factory développe des programmes mobilité à l’étranger à l’instar du parcours numérique Québec-France mis en place avec Zù, des expéditions créatives menées avec Minassa, ou encore lors de déplacements au KIKK Festival et au NUMIX LAB.
Afin de débloquer le secteur, il faudrait également repenser l’ensemble de la vision liée au secteur de la culture et à celui de l’entrepreneuriat en France. Il existe aujourd’hui une tension entre nécessité de rentabilité et production d’un projet à impact à laquelle doivent faire face nombre d’entrepreneurs culturels et c’est probablement ici que réside la plus grande difficulté du secteur.
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