Découvrez notre échange avec Sylvie Bétard, Quentin Rioual, Annabel Vergne, co-directeur·rices de l’Augures Lab Scénogrrrraphie afin d’en apprendre plus sur le projet, les motivations et les objectifs de l’équipe.
Qui sont Les Augures ?
Comment le collectif est-il né ?
Sylvie : Le collectif les Augures est né en avril 2020 avec l’idée d’accompagner le secteur culturel dans sa transition écologique par des missions de conseil, d’accompagnement et de formation. Parallèlement à ces activités, nous avons voulu créer une association, l’association Les Augures, qui vise à travailler hors-projet dans une optique d’expérimentation et de fédération des acteurs du secteur culturel autour des enjeux environnementaux. L’idée était de créer des labs sur des thématiques identifiées dès le départ, à savoir le numérique, la scénographie et le transport.
Comment a été créé l’Augures Lab Scénogrrrraphie ?
Annabel : Avec Quentin, nous nous sommes rencontré·es tou·tes les deux en travaillant à l’Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris (EnsAD). Nous nous sommes rendu compte que nous avions les mêmes centres d’intérêt et le même souhait de constituer des groupes de recherche autour de l’écologie et de la création. Nous avons donc convié toutes les personnes de notre réseau pour discuter de ces sujets-là et c’est dans ce cadre que nous avons rencontré Sylvie et les autres membres des Augures.
Quentin : Notre rencontre a eu lieu il y a deux ans et demi. Pendant la première année, nous avons surtout accueilli des personnes positionnées différemment dans la chaîne de production scénographique, ce qui est devenu l’intérêt principal du lab contrairement à un syndicat qui représente une seule profession. Au bout d’un an passé à identifier les freins et les leviers que les personnes rencontraient pour mettre en place des démarches d’économie circulaire dans leurs conceptions scénographiques, nous nous sommes dit que nous devions passer à l’échelle supérieure afin de dépasser ces freins et activer ces leviers. Pour cela, nous devions nous structurer et nous organiser, ce que nous avons fait en intégrant l’association Les Augures en 2020.
Cette intégration était d’abord philosophique puisqu’il s’agit avant tout d’une rencontre fondée sur des valeurs et des principes communs, mais c’était également une intégration administrative qui nous a permis de nous structurer et, un an plus tard, de nous retrouver au CENTQUATRE-PARIS avec une subvention du Programme d’investissements d’avenir (PIA 4) “Alternatives Vertes”.
Quelles sont vos activités ?
Q. : Nous avons deux champs d’actions principaux. D’un côté, nous développons un volet de recherche-action. Nous offrons aux professionnel·les de la chaîne scénographique un cadre pour identifier des sujets-clés de la transition écologique de leur secteur et pour les approfondir collégialement. L’objectif est d’aboutir à des actions à mettre en œuvre, à des prototypes, à des recommandations ou encore à des arguments de plaidoyer. Le deuxième volet est de nature informationnelle, avec une dimension exploratoire importante. Nous menons en effet un travail d’identification et de recensement d’acteur·rice·s de l’économie circulaire, de projets inspirants, de matériaux éco-responsables et de méthodes d’assemblage vertueuses. Ce volet s’incarne principalement au travers de notre Écothèque.
Qu’est-ce que l’Écothèque ?
S. : Il s’agit d’une plateforme numérique collaborative co-construite par les membres et dédiée à l’ensemble des métiers de la scénographie. Il s’agit à la fois d’un centre de ressources et d’un moteur de recherche de géolocalisation permettant de comprendre l’écologie culturelle d’un territoire qu’on ne connaît pas ou peu. Par exemple, une compagnie de théâtre de Brest qui irait en résidence à Toulouse et qui ne connaîtrait pas le territoire pourrait géolocaliser des solutions, des acteur·rice·s du réemploi et de la mutualisation ou encore des transporteurs locaux identifiés comme étant plus bas-carbone que d’autres. Cette Écothèque est en construction depuis plus d’un an. Avec le groupe de travail dédié, nous finissons d’élaborer les fiches qui pourront être renseignées pour nourrir la plateforme. Elle fait l’objet en grande partie du financement du PIA Alternatives Vertes et devrait voir le jour en janvier 2024.
A. : Nous aimerions que cette plateforme soit collaborative pour que des institutions, des scénographes indépendant·es ou encore des constructeur·rice·s puissent faire part des projets dont ils et elles sont fier·e·s. Ils et elles pourront les mettre en ligne et ceux-ci seront revus et validés par des membres de l’Augures Lab. Favoriser la collaboration permettra de faciliter le travail de recensement qui est impossible à faire à l’échelle du territoire si ce n’est par les membres elle·ux-mêmes. Demander aux acteur·rice·s du secteur de partager leur travail permet de montrer que la transformation des pratiques est possible et qu’il y a d’ores et déjà des initiatives à suivre, à soutenir et développer.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le volet recherche-action ?
Q. : Les échanges collégiaux entre les membres ont permis de définir une liste de sujets prioritaires, par exemple la question de l’ignifugation des décors, qui est un frein au réemploi et qui est problématique pour les travailleur·euse·s qui les manipule. Mais il y a aussi la question des chaînes de responsabilité, des droits d’auteur, des marchés publics, de l’éco-conditionnement des œuvres, etc. Ces sujets identifiés, nous cherchons maintenant à produire du contenu de référence qui permette de dépasser les freins qui se présentent à nous. Nous en discutons avec l’ensemble des membres actif·ve·s sous plusieurs formes : réunions mensuelles en plénière, sessions de travail par sujets, ateliers publics…
Prochainement, nous lançons d’ailleurs un cycle pour les membres et le grand public, intitulé l’Atelierrrr et dont la première session se tiendra le 05 juin au Théâtre de l’Aquarium qui est un partenaire structurant de notre démarche. Cette session introductive, « Qu’est-ce que l’écoscénographie ? », reviendra sur tout ce qui fonde le principe de notre démarche. Nous aborderons des questionnements pratiques pour cibler ce que l’on peut faire pour que la scénographie devienne une pratique écologique, mais aussi des questionnements sur le travail collectif, la redéfinition des pratiques et la communication entre différents métiers.
Quelles sont les personnes à qui vous vous adressez et comment sont-elles impliquées ?
Q. : Nous sommes trois à co-diriger le Lab et nous sommes impliqué·es sur chacun des projets à divers degrés. Ce que l’on souhaite, c’est que les membres soient également moteurs et motrices de la recherche. L’idée est de créer une démarche collaborative et coopérative.
Nous distinguons deux catégories de membres : les membres adhérent·es qui souhaitent seulement consulter le contenu produit, et les membres actif·ves qui participent en amont à la constitution de celui-ci. Nous réunissons aujourd’hui une chaîne de métiers assez large qui comporte des scénographes, des responsables de production, des responsables RSE et RSO, des responsables d’ateliers de construction, des directeur·rice·s techniques, etc. L’objectif est de parler à toute la chaîne, et de la faire parler, pour que l’on puisse réellement mettre en place une économie circulaire de la scénographie. Nous sommes heureux·ses de compter parmi nos membres tant des indépendant·es que des agences de scénographie et des institutions comme le Palais de Tokyo, la Comédie Française, le Palais des Beaux-Arts de Lille ou le MUCEM. Ces dernières font souvent face aux freins les plus importants mais elles peuvent aussi devenir les leviers pour une transformation du secteur.
S. : Notre souhait est de rassembler des acteur·ices culturel·les de l’ensemble de la France. Puisque les institutions culturelles sont en nombre sur le territoire francilien, nous le prenons comme un terrain d’expérimentation mais l’objectif majeur est d’être ouvert à l’ensemble du territoire métropolitain. D’abord car il ne s’agit pas d’une question qui se limite à l’Île-de-France, mais aussi car recenser les solutions n’a de sens que si cela finit par composer un maillage sur l’ensemble du territoire. Les membres deviendront alors des relais pour identifier les solutions à leur échelle locale respective et pour les transmettre à l’échelle nationale.
Quelles sont les prochaines grandes étapes à franchir selon vous ?
Q. : Avec l’Augures Lab Scénogrrrraphie, nous avons réussi à développer un espace qui est un interstice pour des personnes qui, généralement, se parlent peu ou bien qui communiquent par dossier interposé. Dans cet interstice, le but est de créer des réflexions qui tiennent compte tant des intérêts divers que des intérêts écologiques communs. Nous avons donc créé une sorte d’agora qui mutualise ces réflexions-là et notre premier enjeu est de la pérenniser.
Notre deuxième grand défi est de diffuser notre travail. Nous allons d’ailleurs commencer à rendre publique une partie des recherches dès le mois prochain. Avec l’Écothèque, le défi sera de s’assurer de la bonne diffusion de l’outil et de sa prise en main. Le travail ne sera pas achevé au moment de sa mise en ligne. Il faudra notamment s’assurer de son alimentation, c’est pourquoi nous effectuerons des actions territoriales mobilisant des acteur·ice·s de l’économie circulaire du secteur culturel local. À ce moment-là, le défi sera celui de fédérer et de dépasser une certaine taille critique pour que l’Écothèque devienne un outil de référence pour les professionnel·le·s.
« Ce lab montre qu’on peut réellement inventer quelque chose, de nouvelles pratiques, si cette réflexion est faite avec des profils diversifiés et de manière conjointe. »
A. : Nous croyons que le travail collectif et collaboratif permet d’apprendre, de se former et de faciliter l’auto-formation. C’est une façon de faire école d’une autre manière, et de permettre à des personnes qui ont elles-mêmes du mal à faire évoluer leurs pratiques de faire changer les choses de l’intérieur. Entre pairs et avec des métiers différents, le principe d’horizontalité de l’apprentissage est peut-être plus facile à mettre en place. C’est un aspect intéressant à faire valoir et qui n’est pourtant pas si simple de prime abord car chacun est guidé par l’envie de trouver de l’information, sans comprendre dès le départ que ce savoir se construit à plusieurs.
S. : En effet, le parcours des membres est souvent le même. Ils et elles commencent par venir chercher l’information, puis se rendent rapidement compte que les réponses toutes faites sur ces questions-là n’existent pas. Puis, ils et elles comprennent qu’on peut construire des réponses ensemble. Ce lab montre qu’on peut réellement inventer quelque chose, de nouvelles pratiques, si cette réflexion est faite avec des profils diversifiés et de manière conjointe. Notre objectif est de construire quelque chose d’inspirant pour l’ensemble de la profession et de montrer la légitimité de la collégialité et des décisions démocratiques dans le secteur de la culture.
Pourquoi avoir choisi 104factory ?
S. : Ce choix venait initialement d’une volonté de regroupement géographique avec ARVIVA. Nous cherchions un lieu, et nous nous sommes dit avec la proposition du CENTQUATRE-PARIS qu’il s’agissait d’une bonne solution, d’autant plus que Les Augures avaient déjà accompagné les équipes de l’établissement. Nous souhaitions travailler tous·tes ensemble au sein de Culture Impact pour continuer et faciliter les synergies qu’il peut y avoir entre nos métiers, étant donné que nous avons des structures très complémentaires. Par ailleurs, au sein de 104factory, nous nous retrouvons aux côtés d’autres structures de la transition donc les liens sont d’autant plus importants et intéressants.
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